Elle a conclu 2022 en beauté avec une victoire à la Maxi Race de Madère devant tous les hommes engagés. On est très heureux que Lucie Jamsin apporte ici toute son expertise pour nous conseiller.
Equipement
« La première chose est d’avoir un équipement en accord avec ce que tu aimes. Il faut trouver le chaussant qui te correspond vraiment : drop (hauteur sous talon), largeur… Gare aux frottements qui peuvent amoindrir la performance. On choisit aussi ses chaussures en fonction du terrain de l’objectif majeur de sa saison. : sera-t-il glissant ? Sec ? Caillouteux ? Bien sûr, on les aura testées pendant la prépa.
C’est la même logique pour le sac et les bâtons. On les achète largement à l’avance et on les essaye à l’entraînement. Profil, distance, dénivelé, type du terrain, météo… vont aider à bien les choisir. Pour une course locale où il n’y a pas de matériel obligatoire et pas de risque au niveau de la météo, un sac de 5 litres fera l’affaire.
Il faut apprendre à utiliser ses bâtons, sinon cela va causer une perte de temps et d’énergie pendant la course, et surtout, on ne va pas en tirer tous les bénéfices potentiels. Je suis une adepte des bâtons.
Clairement, cela soulage les quadri en montée et en descente. Ce n’est pas une question de distance mais plutôt de dénivelé, et il ne faut pas avoir peur de les prendre sur un 40 ou un 50 km. Je prends des pliables car je les utilise surtout en montée (sauf lors des ultras ou je les prends aussi en descente). Quand je bascule dans la descente, je les replie et les range à la ceinture. J’ai les mains libres pour prendre le temps de mastiquer une barre. »
Nutrition
« J’ai appris cette année sur l’échec de l’UTMB que pour faire un ultra-trail, il faut d’abord savoir manger en permanence. L’échec est sinon quasiment assuré. Il faut être capable d’être très gourmand ! Il faut donc s’entraîner à manger très souvent. Le corps doit ainsi apprendre à assimiler des glucides, alors même que le sang est dirigé en priorité non pas vers l’appareil digestif mais vers les muscles pour assurer l’effort.
Les sorties longues sont vraiment là pour ça. Idem pour les boissons. Il faut les tester en amont. Il y en a une grande variété, avec ou sans maltodextrine, et il faut trouver, lors de l’entraînement, celle qui correspond vraiment le mieux à soi. Et ce n’est pas le jour de la course qu’il faut le découvrir !
Clairement, sur les ultras, on constate que plus la course avance, plus il est compliqué de mâcher et de digérer. De nombreux athlètes passent ainsi au semi-liquide voire au liquide. Cela peut être de la purée, de la compote…
Jusqu’à cet UTMB 2022, j’étais au solide et tout allait bien. Je me suis retrouvé face à un mur et j’ai compris qu’il fallait changer de stratégie. Ce que j’ai fait lors des dernières courses, où j’alterne des barres avec des compotes ou des gels énergétiques et cela passe mieux. Je pense compléter cela avec de l’assistance pour apporter du salé (soupe, riz, pommes de terre) qui tranchera avec le sucré que l’on emporte sur soi.
Sur les courses plus courtes, cela va dépendre de son niveau. Si on sait mettre beaucoup de rythme sur 30-40 km, c’est compliqué de mâcher et de digérer. On peut alors tenir avec de la compote, du gel et de la barre plutôt moelleuse (type barre d’amande). Avec un niveau intermédiaire ou débutant, on peut se tourner vers le solide. Dans tous les cas, cela se teste à l’entraînement. Côté hydratation, il faut boire régulièrement, sans excès, en étant à l’écoute de son corps. »
Santé
« L’hydratation fait partie de la prévention des blessures. Elle fait en sorte que toutes les cellules disposent de ce dont elles ont besoin pour fonctionner normalement. L’eau, c’est la vie !
La prévention passe aussi par des protocoles de type Stanish pour les tendons d’Achille. Mais à mon sens, quand on se blesse, c’est que l’on en a trop fait, au niveau de la durée et/ou de l’intensité de l’effort. Si je m’entraîne une heure tous les jours et que j’ai mal, c’est qu’une heure, c’est trop ! Mieux vaut peut-être redescendre à 45’. L’arrêt complet de la pratique n’est plus une bonne idée, mieux vaut réadapter sa charge d’entraînement. Et cela doit se mesurer chaque jour, en fonction de sa forme, son sommeil…
Il faut être bienveillant avec soi, ne pas se mentir. Se respecter, c’est écouter les signaux et accepter de diminuer ses charges d’entraînement pour rentrer de l’entraînement sans douleur. Et si vous avez un entraîneur, il faut aussi oser le lui dire que l’on a levé le pied. Cela permettra ensuite de mieux augmenter la capacité à supporter les charges.
Je prends quelques compléments alimentaires pris en lien avec ma nutritionniste. Je conseille aux femmes de faire une prise de sang pour mesurer une éventuelle carence en fer en raisons des pertes menstruelles et voir avec leur médecin si une petite complémentation en fer n’est pas nécessaire. Le fer tient un rôle essentiel dans la constitution de l’hémoglobine contenue dans les globules rouges du sang, qui permettent de transporter l’oxygène.
Côté préparation du corps à l’effort, je mets de la crème Nok pour les pieds pour prévenir les ampoules et de la vaseline sur les endroits du corps où je sais que cela va frotter avec le sac.
Pour la récup, je mets des chaussettes de compression de BV Sport qui facilitent le retour veineux, tout en étant confortables. J’aime beaucoup le froid aussi ; je n’ai pas de centre de cryo près de chez moi alors que je mets mes jambes dans les fontaines communales. »
Memento
« Quand je fais la valise, je checke, en visionnant toutes les parties de mon corps, des pieds à la tête, tout ce dont je vais avoir besoin pour la course : les vêtements, les pansements, le K-tape, la crème, la nutrition, les flasques, la boisson… J’emporte aussi une trousse à pharmacie. »
Prépa mentale
« J’ai fait une préparation mentale pour préparer l’UTMB 2021. Cela a bien fonctionné. Cette année, je ne l’avais pas renouvelée, plutôt par manque temps et on arrive à cet échec. Est-ce que c’est lié ? Oui ! Est-ce uniquement lié à cela ? Non, de façon certaine. N’empêche que dès janvier, je vais reprendre cette préparation mentale.
On va aller chercher ensemble de la visualisation mentale, des points d’ancrage, ce dialogue interne qui, en une phrase, deux mots, va me calmer, me rassurer, me booster en fonction des situations. Je m’imagine en train de courir, visualise les situations et comment je vais réagir malgré la fatigue, l’inconfort. »
Prépa tactique
« J’aime bien reconnaître les courses à l’avance car cela me permet de poser la tactique. Quand ce n’est pas possible, j’en identifie tout de même quelques kilomètres pour voir ce qu’il y a au sol, ce qu’il peut se passer vis-à-vis de la météo… A Madère, où je n’avais jamais mis les pieds avant, je m’attendais à une course difficile.
En arrivant sur l’île, j’ai tout de suite su que cela allait être un sacré gros problème. En me rendant compte des chemins qu’il y a là-bas, que cela allait être très glissant, j’ai décidé de monter fort, courir le plus vite possible sur le plat et de voir dans les descentes comment ça allait se passer. J’ai mis en lien mes points forts avec le terrain et le profil de la course. Et c’est valable sur tous les types de course. »
Prépa physique
« Je pense que l’erreur en trail est de ne pas faire de renforcement musculaire. Il ne suffit pas de courir, il faut être fort dans la pente ascendante mais surtout savoir descendre. Entraîner les jambes, c’est bien, mais ça ne suffit pas. Il faut une transmission des efforts et une chaîne globale stable.
Si vous n’avez pas de gainage, vous allez avoir un mal de dos ou de cou, perdre l’équilibre… Quand on porte un sac de 2 kg, voire plus, si vous n’êtes pas prêts à supporter ce poids sur vos épaules pendant plusieurs heures, vous risquez aussi de vous blesser, y compris sur des courses courtes. »
Affûtage
« J’aime bien l’affûtage. Je pense avoir besoin de récupérer avant une course et d’être fraîche mentalement. Si vous allez vous mettre une course rapide avant votre objectif, même un 10 km, vous allez vous rentrer dedans. Et à mon sens, c’est une évidence que vous allez perdre de l’influx nerveux.
J’aime bien garder cet influx et même me créer de la frustration de ne pas courir qui me permettra de courir plus vite et plus fort le jour de la course. Cet affûtage, qu’il soit de une à trois semaines en fonction de la course, est aussi important pour créer de la surcompensation physiologique et d’être à votre pic de forme pour l’objectif. »
Prépa technique
« Si vous êtes habitué à courir sur les terrils ou dans les bois, cela peut être compliqué de courir sur des cailloux qui roulent, qui bougent… Ce sol compliqué va aussi demander de la charge mentale, de la visualisation. Faire de la proprioception va vous permettre d’avoir confiance en vos pieds.
Maintenant, le corps est bien fait. Si vous arrivez quelques jours sur place avant le départ de la course, allez trottiner 10 minutes deux fois par jour sur le parcours, la pose des pieds va s’adapter et vous serez plus à l’air sur les chemins techniques le jour J. »

Coaching De nature humble et travailleuse, Lucie a donné une prolongation à sa pratique du sport de haut niveau en se formant à l’encadrement d’athlètes. Elle coache depuis 2019 un groupe de coureurs de tous niveaux. Lucie aime cette « relation de proximité entre le coach et son coureur ». Elle propose in situ ou à distance des programmes adaptés à toutes les problématiques et contraintes rencontrées, « ce que l’on ne trouve pas dans les livres ou sur Internet ». Cela permet aussi d’être rassuré et guidé par rapport à l’évolution de sa charge d’entraînement, avec un regard extérieur, posé et expérimenté, sur sa pratique. Contact : jamsinlucie@wanadoo.fr ou au 06 74 64 40 15 Un article à retrouver dans le guide 1000 pattes, à lire et à télécharger sur notre site.